Pourquoi Moulins va-t-elle, sans doute, subir des conséquences des prochaines mesures gouvernementales ?
Les finances de l’Etat sont dans un état catastrophique, et cette situation risque d’impacter le budget de la ville de Moulins. Quelques explications s’imposent.
En février, quelques jours avant le débat d’orientation budgétaire de la ville, nous avons appris que les statisticiens de notre pays se seraient trompés dans leurs prévisions de croissance pour 2024 ; le gouvernement serait forcé de ramener le chiffre de 1,4% à 1%. En réalité, le gouvernement s’était alors aligné à l’opinion des institutions internationales comme le FMI, l’OCDE ou encore la commission européenne. La Banque de France, de son côté, tablait sur une croissance limitée à 0,8%. L’impact direct pour le budget général de la Nation est une diminution des recettes fiscales et notamment de la TVA. Sans débat parlementaire, un premier plan d’économies a donc été annoncé dans l’urgence. Le budget de l’État a été raboté de 10 milliards d’euros, sans toucher, dans un premier temps, à la Sécurité sociale et aux dotations et compensations aux collectivités (l’argent que les communes et les autres collectivités reçoivent de l’État). Pour Moulins, ces dotations représentent 7,5 millions d’euros, soit un tiers des recettes.
En mars, on apprend avec stupéfaction que les comptables de Bercy auraient mal calculé les recettes fiscales pour l’année 2023 et que le déficit budgétaire de la France ne serait plus de 4,9% du PIB mais de 5,5%. Une différence de 16 milliards d’euros ! On peine à le croire... Après l’Italie, nous avons dorénavant le deuxième plus grand déficit dans la zone euro pour 2023. Dans l’absolu, il est en réalité le plus important.
293 milliards de recettes en 2023, contre 455 milliards de dépenses : le solde négatif de 162 milliards d’euros a dû être financé par de nouveaux emprunts, pour plus d’un tiers du budget de l’Etat. La charge des intérêts de la dette a dépassé en 2023 les 50 milliards d’euros. En 2020, elle se situait à 30 milliards, et pour 2027, la Banque de France table sur 80 milliards. Pour mémoire, 50 milliards représentent plus que le budget de l’armée (47 milliards) et ce montant correspond au deuxième poste du budget national, après celui de l’éducation nationale (82 milliards).
Pour mémoire, les prestations sociales qui sont comptabilisées dans un autre budget se situent à 710 milliards !
Un tel déficit devient de moins en moins supportable, surtout dans un contexte de taux d’intérêts élevés. Les agences de notation le savent, et ils ne croient plus vraiment à l’engagement de la France de ramener son déficit budgétaire à l’horizon de 2027 à 3%. C’est pourquoi nous devons nous attendre à ce que la note sur le risque de la dette française soit abaissée. En conséquence, la France devra payer des intérêts encore plus importants sur ses emprunts et le déficit se creusera encore plus. C’est un engrenage terrible, qui met à mal la souveraineté de notre pays. Le Président et son gouvernement sont donc obligés de réagir avec vigueur, pour garder un minimum de crédibilité vis-à-vis des marchés financiers et des partenaires de la zone euro.
La première option, consistant à augmenter les impôts, et donc les recettes, serait non seulement impopulaire, mais aussi peu crédible. Avec un taux de prélèvement obligatoire de 47% du PIB, la France se classe, en effet, déjà en tête du podium de la pression fiscale en zone euro. Aller plus loin serait inévitablement un nouveau frein pour l’économie et l’emploi. Les conséquences seraient une nouvelle fuite d’entreprises et de particuliers, qui quitteraient le pays.
Il est alors plus que probable que la réaction du gouvernement comporterait un nouveau plan d’économies (on parle de 15 à 20 milliards d’euros).
Les membres de l’exécutif ont assez clairement indiqué que, cette fois-ci, les dépenses de la sécurité sociale et des collectivités locales seraient mises à contribution. On aura un peu plus de détails le 9 avril, lorsque le gouvernement rencontrera les associations des élus. Mais il serait raisonnable d’anticiper ce nouvel effort important, demandé aux collectivités. Et cette mesure concernerait et impacterait évidemment aussi Moulins.
Le dernier épisode similaire s’était déroulé en France en 2015.
Le Président Hollande avait alors décrété une baisse des dotations aux collectivités de 11 milliards.
Cette somme à l’échelle nationale représentait
1,8 millions d’euros pour Moulins. A l’époque la ville disposait de quelques marges de manœuvre, et l’effort avait pu être étalé sur plusieurs années.
Aujourd’hui, ces marges dans le budget restent beaucoup plus difficiles à trouver.
En nous projetant sur un effort national compris entre 4 et 6 milliards, prélevés aux collectivités, la ville de Moulins devrait trouver entre 500 000 et 800 000€ dans son budget.
C’est beaucoup.
Quelques exemples du budget 2024 de Moulins, pour illustrer une telle somme :
- 550 000€ de subvention pour le théâtre municipal,
- 590 000€ de soutien à la restauration scolaire,
- 604 000€ de subvention au CCAS,
- 736 000€ de subventions à toutes les associations culturelles, sociales et sportives.
Il est donc évident que la difficulté serait immense pour rassembler une telle somme. Il conviendrait donc d’anticiper dès maintenant, en stabilisant les dépenses pour le personnel, en examinant poste par poste les charges à caractère général, et en préparant des réductions sur les autres charges. C’est exactement ce que nous avons proposé lors du vote budgétaire du 29 mars, en donnant une première piste avec l’exemple du théâtre municipal.
Certes, le théâtre est dorénavant un très bel équipement, et l’ouvrir le plus souvent possible à tous les Moulinois reste très important. Mais force est de constater qu’il serait peut-être nécessaire de ramener la subvention d’équilibre, apportée au budget annexe du théâtre, à son niveau d’avant travaux de rénovation.
En 2017 - dernière saison avant travaux – la subvention d’équilibre était de 430 000€ ; cette année 510 000€ sont proposés, somme à laquelle il faut encore ajouter 45000€ de subvention d’investissements. Pourtant, les recettes de billetterie sont restées stables, à hauteur de 260 000€ entre 2017 et 2023.
De plus, de vraies priorités en termes d’investissements vont devoir être définies.
Ainsi, y a-t-il urgence à déménager, dès maintenant, le pôle petite enfance du centre-ville, vers le nouveau Centre Santé Ville-Hôpital, pour un montant de 400 000€ ? Même si sa nouvelle implantation peut apparaître souhaitable dans le cadre du projet global, ce déménagement n’est, en aucun cas, indispensable à court terme.
Alors oui, un centre de santé, offrant la possibilité de salarier des médecins, pourrait avoir son utilité ; mais il aurait été possible pour moins d’un million €.
Au lieu de ça, le bailleur social et opérateur immobilier EVOLEA (groupe Arcade), a lancé un projet de 13 millions d’euros, pour construire, en plus :
-90 nouveaux logements sociaux, dont l’utilité reste à démontrer ;
- un énième espace de co-working,
- 5 cellules commerciales, alors que le nombre de locaux commerciaux vides ne fait qu’augmenter en centre-ville.
Pourquoi la Ville s’entête-elle à vouloir y installer son pôle petite enfance, alors qu’il peut très bien rester dans le passage d’Allier, où il est installé depuis quelques années seulement.
Encore une fois, l’installer à proximité de l’hôpital peut apparaître souhaitable, mais pas indispensable. Les 400 000€ auraient été, sans doute, plus utiles ailleurs.
Enfin, le Maire et sa majorité ont décidé de ne pas inscrire, dans le budget primitif 2024, une somme à verser à Moulins Communauté pour participer au surcoût de 3,2 millions d’euros pour le deuxième pont. On ne sait pas exactement quelle sera la part de Moulins pour régler cette note, mais on voit mal comment les représentants des autres communes de Moulins Communauté pourraient accepter que la ville de Moulins ne paie pas sa part, au moins à hauteur de son engagement initial, soit 20%. La participation représenterait alors 640 000€.
Au-delà de ces quelques exemples significatifs, il apparaît clairement que la Ville de Moulins entre dorénavant dans une période trouble, en ce qui concerne son budget. Ne pas agir dès maintenant serait une grave erreur.
Et une gestion hasardeuse.
Donnons-nous rendez-vous au mois de mai, à notre local du 3Brech, pour échanger et discuter des différentes options, en fonction des annonces à venir et d’éventuelles décisions à intervenir.